Origine de la rencontre :
C'est début juillet que nous recevons une demande d'orientation pour une consultation prioritaire pour Madame D. chez qui on vient de découvrir l'existence d'une hépatite B active, dans le cadre du suivi de sa grossesse.
Madame D. est orginaire du Sénégal, et déjà maman de deux enfants. Elle est arrivée en France il y a plusieurs mois pour rejoindre son mari, Monsieur D., qui travaille ici depuis plusieurs années.
Elle apprend il y a quelques semaines qu'elle attend son troisième enfant, et initie son suivi médical auprès de la PASS Maternité du CHU de Bordeaux.
Enfant et hépatite B, quels risques ?
Le saviez-vous ?
L'hépatite B peut se transmettre de la mère à l'enfant : en effet, lors du travail et au moment de la délivrance le nouveau-né est en contact avec les sécrétions de sa mère (sang et sécrétions vaginales). Si la mère est positive à l'hépatite B alors l'enfant est susceptible d'être contaminé par le virus du VHB dès sa naissance.
(pour un petit rappel des autres modes de contamination rendez-vous ICI)
Et en pratique ?
Le risque de transmission est associé au statut de la maman : présence ou non de l'Antigène Hbe, et valeur de la charge virale.
- " Antigène Hbe, késako ? " ;
- Ce terme barbare est relatif à la multiplication du virus. Si l'Antigène Hbe est présent, alors le virus est présent en grande quantité dans le sang, donc avec un taux de contagiosité important. On considère même que le risque de transmission avoisine les 90 % lorsque la maman présente cet antigène. Si l'antigène est absent alors le risque de contamination diminue, mais reste autour de 20 %.
Quels sont les risques pour l'enfant en cas de contamination ?
Lors d'une contamination par le virus dans l'enfance, le risque d'évolution vers une hépatite chronique (> 3 mois) est supérieur à 90 %. Cette hépatite chronique peut elle-même évoluer vers une cirrhose et / ou un hépatocarcinome dans environ 40 % des cas.
- " hépato quoi ? "
- L'hépatocarcinome est le terme barbare pour définir le cancer du foie.
Quels sont les moyens de prévention ?
- Le dépistage de l'hépatite B. En France, ce dépistage est obligatoire pour toutes les femmes enceintes depuis 1992. Il est sytématiquement proposé dès la consultation prénatale, et doit être réalisé maximum au 6ème mois de la grossesse ;
- La vaccination contre le virus de l'hépatite B. En France, cette vaccination est obligatoire pour tous les nourissons depuis 2018. Elle est recommandée en rattrapage pour les enfants et adolescents jusqu'à 15 ans, et obligatoire pour certains professionnels. La vaccination de l'hépatite B intervient en trois doses réalisées aux 2 mois, 4 mois et 11 mois de l'enfant, et est valable à vie.
Et pour les enfants nés d'une mère porteuse du virus ?
Le statut sérologique de la maman étant connu avant la naissance de l'enfant, cela permet de prévoir la vaccination du nouveau-né dès sa naissance. Le nouveau-né reçoit donc sa première dose de vaccin, ainsi qu'une injection d'immunoglobines spécifiques (défenses immunitaires), à sa naissance, puis sa deuxième dose à 1 mois, et la troisième à 6 mois.
Cette primo-vaccination à la naissance permet de prévenir le risque de contamination par le virus dans la plupart des cas.
La famille D.
C'est fin juillet que nous recevons Madame D. pour sa première consultation. Elle est reçue par le Professeur de Lédinghen, et bénéficie d'un fibroscan (notre article sur le fibroscan ICI) et d'une prise de sang complémentaire.
Au cours de l'entretien avec le médecin, Madame D. lui demande s'il est possible de dépister son mari et ses deux enfants qui ne connaissent pas leur statut sérologique. Nous accédons, bien sûr, à sa demande et nous organisons ensemble le rendez-vous afin que cela puisse correspondre aux disponibilités de Monsieur D. qui travaille.
Le mercredi après-midi suivant, nous recevons donc la famille D. Madame est là avec son mari, et ses deux enfants : son fils âgé de 10 ans, et sa fille âgée de 6 ans et demi (ça compte à cet âge-là).
C'est la première fois que les enfants vont faire une prise de sang. Tous les deux se montrent très courageux "non je n'ai pas peur", mais on peut quand même constater la surprise dans leurs yeux quand ils voient l'aiguille sortie de son emballage. Finalement tout se passe bien, un beau pansement et une bonne madeleine avalée plus tard, et ils en ont déjà oublié la piqûre.
Pour le papa c'est un peu plus difficile, si certes il n'est pas surpris par l'aiguille, ses veines jouent à cache-cache avec nous, et c'est seulement après la troisième tentative qu'une veine sur sa main finit par nous fournir les quelques gouttes de sang nécessaires à la recherche.
Résultats et suite de la prise en charge.
Quelques jours plus tard les résultats sont sortis, nous rappelons donc la famille D. pour les prévenir :
- très bonne nouvelle : les enfants ne sont pas porteurs du virus, et n'ont d'ailleurs jamais été en contact avec !
- Monsieur D. est, quant à lui, porteur d'une hépatite B active.
Un rendez-vous de consultation est organisé pour Monsieur D., en fonction de ses disponibilités professionnelles. Comme sa femme, il est porteur d'une infection virale B, c'est à dire que le virus est en sommeil. Ils auront donc tous les deux un suivi annuel de leur maladie pour vérifier que celle-ci n'évolue pas, les rendez-vous de suivi ont déjà été programmés.
Les enfants de Monsieur et Madame D. ne sont donc pas porteurs, mais leur prise de sang a révélé qu'ils ne sont pas non plus protégés du virus : ils n'ont pas bénéficié de la vaccination contre l'hépatite B.
En accord avec leurs parents, nous leur avons pris rendez-vous dès le lendemain matin au Centre de Vaccination de la MDPS, où ils se sont bien rendus et ont pu débuter leur rattrapage vaccinal, afin d'être immunisés contre ce virus.
Quant à bébé numéro 3, il sera vacciné à sa naissance avec l'injection d'immunoglobines, et devrait donc être protégé de toute contamination car la charge virale de Madame D. est très basse.
En conclusion :
Malgré la découverte de positivité chez Monsieur D. c'est une histoire qui se termine bien pour la famille D. : les parents sont rentrés dans un suivi spécialisé pour leur maladie, et les enfants seront protégés grâce au vaccin.
C'est encore une belle histoire de collaboration ! Grâce à la force de notre réseau nous avons pu recevoir Madame D., mener ce dépistage familial, et orienter facilement pour la prise en charge vaccinale des enfants. Le pouvoir de BMSHV c'est d'être bien entouré et nous en sommes conscients !
Et vous aussi : pour connaître votre statut viral c'est simple : une prise de sang, au moins une fois dans sa vie ! Pensez-y, ça pourrait être vous.